jeudi 14 février 2008

Postface

« Valéry se rappelle peut-être la leçon de Mallarmé quand le Maître fait observer à ses lecteurs, et déjà aux auditeurs des mardis de la rue de Rome, que le mot qui dit nuit laisse entendre une sonorité étonnamment vive, que le substantif ténèbres éclaire plus qu’il n’obscurcit. Même le mot ombre, plus secret, se gonfle comme un fruit mûr et près d’éclater, à l’image des grenades, emblème de Perséphone, la déesse qui règne sur les morts.
Les formules bien frappées sont autant de sortilèges poétiques pour effacer la menace de l’ombre. Par l’obscurité de son langage il veut préserver le mystère, l’ostentation des mots sous toutes leurs facettes simultanées. Alors l’air ou le chant glisse sous le texte, prêt à en jaillir comme une source vive. Et s’il existe un modèle pour Mallarmé, c’est d’abord l’éparpillement ordonné des constellations dans le ciel nocturne. L’alphabet des lettres devient l’alphabet des astres. La nuit devient une salle d’ébène, une vaste chapelle ardente qui ne peut être dédiée qu’à un poète-roi. » (Hôtel de l'insomnie)