dimanche 18 mars 2007

Sécession

« Bien des années plus tard, dans la ville écorchée, face aux vents déchaînés, j’en appelais aux mots de Rimbaud, d’Artaud ou de Duprey. À une heure si grave, comment ne pas penser à ces voleurs de feu qui allumèrent, des siècles durant, les brasiers du cœur et de l’imagination, de soif et d’insomnie, pour ne bâtir d’autre empire qu’à l’intérieur de soi. Pour faire taire au cœur de l’homme la guerre vaine et, par la magie des mots, exorciser les démons. Comme dans le combat de Jacob avec l’Ange, dans le ravin de Yabboq, celui qui supplanta par le mensonge et la ruse devient enfin un autre, tous les autres, pour avoir affronté en lui la face de Dieu. Oui, contre les forces aveugles, toutes les puissances stériles, choisissons le combat qui grandit. Alors cet ouvrage, pour refuser la fatalité et le vertige, pour chasser la peur qui crie au fond de nous !
Tourne et craque la terre dans l’obscur mystè
re où se débattent voix et masques, victimes et bourreaux ! Derrière l’urgence de chaque jour, je rêve d’une parole qui défriche, d’une parole plus longue et qui sauve. » (Éloge des voleurs de feu)

mardi 13 mars 2007

Dernières notes

Dominique de Villepin a choisi de ne pas se porter candidat à l’élection présidentielle, c’est son choix, à nous de le respecter.

Afin que l'amertume ne l'imprègne pas, ce blog prend pour le moment fin avec cette décision qui brise son horizon premier, aussi il m'est important de souligner combien je suis empreint à la fois de reconnaissance et de gratitude envers chacune et chacun d’entre vous, qui l’avez lu ou qui vous y êtes exprimé.

Les élections passent la France demeure; si la bataille napoléonienne d'aujourd'hui est perdue, demain appelera de nouvelles conquêtes et des perspectives renouvelées.

lundi 12 mars 2007

Une élection sans projet visionnaire

L’absence d’une candidature de Dominique de Villepin oblige chaque citoyen à se positionner autrement que derrière le rassemblement qu’il aurait, mieux que personne, pu incarner. Ce positionnement doit être, pour ceux qui soutiennent le Premier ministre, peu confortable ; il oblige, en tout cas, à renier une partie de ses convictions pour accepter de soutenir un candidat qui serait moins pire, et non meilleur, que les autres.

Pour ce qui me concerne, après l’interventio
n télévisée, le jeudi 22 février, de Dominique de Villepin au journal de 20h, j’avais décidé, emporté par ma déception de le voir écarter l’idée d’une candidature, de prendre toute la distance nécessaire. C’est le sentiment que j’ai alors exprimé dans un message publié sur ce blog, que j’ai retiré le soir même après avoir appris qu’un appel à sa candidature devait être lancé le lendemain par le Rassemblement des Jeunes pour la Ve République.

Je publie, maintenant que « l’illusion lyrique
» d’une candidature est complètement dissipée, le message en question.


Laisser la France face à son destin

Tel semble être le sens de l’attitude du Premier ministre. Il refuse, visiblement, de saisir la chance, absolument unique, qui s’offre à lui : celle de créer les conditions d’une candidature à l’élection présidentielle, et de renverser une donne insatisfaisante pour des millions de Français
. Non, la campagne n’est pas à la hauteur. Non, on ne peut se contenter d’un débat aussi faible.
Je pourrais longuement et rigoureusement développer les raisons pour lesquelles ni le programme du PS ni celui de l’UMP, et e
ncore moins celui de l’UDF, - et à travers ces programmes, les candidats qui les portent, - ne me satisfont. Mais s’il s’agit de critiquer sans être en mesure de proposer une alternative, autant s’abstenir. Je préfère me dégager de ce débat politique à court terme, prendre toute la distance nécessaire avec une échéance qui ne pourra être porteuse d’une vision conforme à mes aspirations, et m’intéresser aux problèmes de fond, ainsi qu’à une lecture plus historique de la vie politique en France et ailleurs.
Certes, ce retrait de la course élyséenne était
, depuis longtemps, prévisible. Mais outre le fait que je sois de ceux qui pensent qu’«impossible n’est pas Français», et qu’une élection n’est jamais jouée plusieurs mois en amont, il est important d’affirmer ses convictions et de ne pas se décourager par mauvais temps. Que les calculs cyniques soient le lot de ceux dont les intérêts dépendent directement de ces élections, c’est dans l’ordre des choses, mais en tant que citoyen, avec l’exercice du libre-arbitre que cela comporte, il faut aller au bout de ses idées. Les défendre. Les appuyer par des arguments solides. Leur donner de la dimension. Ne pas se satisfaire de la rhétorique, de la démagogie et des incantations.
Dans ses positions de ce soir sur Nicolas Sarkozy
, Dominique de Villepin se renie. Il se prête à une analyse de circonstance, qui ne peut être fidèle à sa perception de la campagne, ni aux idées qu’il aurait pu défendre s’il s’était porté candidat. Il est dans son rôle de Premier ministre, et n’en sort pas. C’est un choix, et un devoir lié à sa fonction aussi. Mais ce n’est pas, à mon sens, l’intérêt du débat, et de la vie démocratique. Qu’on ne s’étonne pas que, dans un sondage récent, François Bayrou soit donné gagnant et contre Ségolène Royal et contre Nicolas Sarkozy dans un hypothétique second tour.
Peut-être la candidature de M. de Villepin n’aurait-elle pas été une solution à ce malaise. Peut-être aurait-elle été trop tardive, et incomprise. Mais elle portait, pourtant, une magnifique espérance, à hauteur d’une passion française.

samedi 10 mars 2007

La cérémonie des adieux

Demain soir, à 20h, le Président de la République s’exprimera dans le cadre d’une allocution solennelle aux Français.

Dans Le Monde, Robert Solé consacre un billet fort amusant à cet événement, intitulé « Adieu présidentiel » :

« Dimanche soir 11 mars, quelques instants avant son intervention télévisée, Jacques Chirac a comme une illumina
tion. Se surprenant lui-même, il décide d'ignorer son texte, dont chaque mot a été pesé au trébuchet. Il va improviser.
"Mes chers compatriotes, vous savez combien la France... Je connais vos craintes, vos espoirs, vos attentes... Ce soir, je veux vous expliquer pourquoi je sollicite un nouveau mandat, qui sera le dernier..."

Dans le salon de l'Elysée, c'est la stupéfaction. Ministres et collaborateurs du chef de l'Etat se dévisagent d'un air ahuri. Au premier rang, Bernadette esquisse un sourire. Jean-Louis Debré, les yeux embués de larmes, frétille sur sa chaise, déjà prêt à remonter sur le perchoir. Jacqu
es Chirac se sent rajeuni de quinze ans. Il imagine la tête de ses adversaires, l'ébahissement des commentateurs...
La tentation a duré quelques secondes. "Monsieur le président, c'est bientôt à vous." Jacques Chirac se racle légèrement la gorge. Il fixe le prompteur, la France dans les yeux. S'efforce de sourire, en pensant à Claude. La lampe verte s'allume. "Mes chers compatriotes..." »

Plus sérieusement, il est certain que tous les éléments sont réunis pour que Jacques Chirac fasse ses adieux à la France en refusant de se présenter à nouveau à l’élection présidentielle. Au vu de son âge, de la longévité de sa carrière politique (sa première élection en tant que député de la Corrèze date du 12 mars 1967, soit presque quarante ans, jour pour jour, avant cette allocution) et de la configuration politique actuelle, ce choix serait indéniablement le bon.

Cependant, si cette sortie devrait être réussie de son point de vue, elle n’éclaircirait pas la perspective de la prochaine échéance. En refusant de soutenir l’idée d’une candidature de son Premier ministre et de tout faire pour qu’elle puisse être porteuse d’un véritable élan pour la France, Jacques Chirac assure indirectement la légitimité de Nicolas Sarkozy en tant que candidat du courant qui l’a porté depuis ses débuts, ce qui est une grave erreur.
Après avoir fait l’erreur d’accepter, en 2002, que M. Sarkozy s’empare d’un des postes clés du gouvernement, et après avoir renouvelé cette erreur en juin 2005 (alors qu’il était, selon lui, au moment du 14 juillet 2004,
inconcevable qu’un chef de parti puisse être ministre à part entière), il laisserait ainsi le champ libre, pour 2007, a un ministre qui n’a jamais respecté son autorité, a contesté la plupart de ses choix (en matière de politique internationale, de conception du rôle joué par le chef de l’État…) et s’est souvent montré d’une insolence inadmissible de la part d’un ministre. Dans le dernier cas, je prendrais exemple, - il ne manquent pas, - sur la comparaison, en public, le 14 juillet 2005, lors d’une conférence de presse place Beauvau, de Jacques Chirac à Louis XVI occupé par sa passion de la serrurerie alors que le peuple gronde. Jacques Chirac avait alors glissé, en privé, que l’important, pour Sarkozy, serait de ne pas finir comme Louis XVII.

En ne permettant pas qu’un candidat gaulliste se présente à l’élection présidentielle, fait inédit depuis 1965 (à noter d’ailleurs qu’il y en avait trois en 1981 : Jacques Chirac, Michel Debré et Marie-France Garaud), le Président de la République ne fait pas le bon choix pour la France, pour son identité, ses valeurs, son dynamisme économique et social, son rayonnement international, et s’assure une campagne passive dont l’issue remettra assurément, quelle que puisse être sa note finale, en cause le fonctionnement et l’équilibre de la Ve République.

Les Français auraient, pourtant, - la faiblesse des candidats actuellement en présence ne l'excluant pas, bien au contraire, - pu faire de Dominique de Villepin le successeur de Jacques Chirac; la gaullisme aurait alors, une fois encore, donné rendez-vous à la France et proposé une solution à la fois juste, généreuse et enthousiaste à l'impasse.

jeudi 8 mars 2007

Villepin au salon de l'Agriculture

Un document vidéo d’une dizaine de minutes, montrant le Premier ministre lors de son passage de lundi dernier à la porte de Versailles. On l’y voit à l’écoute des uns et des autres, voguant entre les différents stands.

Un idéal de rassemblement

J'aimerais rappeler que début janvier, Dominique de Villepin tenait, lors de l’émission « Dimanche+ », ces propos plutôt enthousiasmants, et très pertinents sur la prochaine échéance :

Laurence Ferrari : La campagne électorale, est-ce que tout est joué maintenant, à quatre mois des présidentielles, à votre avis ?

Dominique de Villepin : Vous savez, une campagne électorale, c’est le choix des Français, donc par définition, rien n’est joué jusqu’au moment de l’élection. Et je pense que ce serait une gigantesque erreur que d’imaginer que tout est joué. Au contraire, nous sommes loin du compte, et c’est le message que je donne à ma famille politique. Donc, créons la dyn
amique des volontés, créons la coalition des ambitions, qui permette véritablement d’arriver et de répondre aux attentes des Français. Ça demande beaucoup d’efforts. Vous savez, moi, en politique, et en particulier dans les présidentielles, j’ai un petit peu d’expérience, je ne connais pas la machine à perdre, dont certains parlent. La machine à perdre, c’est une invention des perdants, qui veulent trouver des boucs émissaires. Mais par contre, je sais ce que c’est qu’une machine à gagner. Et la machine à gagner, ça commence par la transformation et la métamorphose d’un candidat, qui devient le choix des Français. Et qu’est-ce qui s’est passé en 95, comme en 2002, même si le parcours a été un peu singulier ? C’est que, jour après jour, Jacques Chirac s’est agrandi, s’est élargi, de cette ambition française. Il a épousé véritablement la fonction qui était la sienne. Et rappelez-vous, en 95, avec une véritable dynamique : Madelin, Jean-Louis Debré, Alain Juppé, Philippe Seguin, des personnalités fortes, qui à aucun moment ne se sont reniées, mais qui ont mis tout leur poids dans la bataille. Aujourd’hui, c’est vrai que j’estime qu’il y a encore un élan à donner. Quand je vois quelqu’un comme Jean-Louis Borloo, avec le bilan qui est le sien, l’action qu’il a menée, le tempérament qui est le sien ; quand je vois...


LF : Il pourrait faire un bon candidat ?

DDV : Mais, Jean-Louis Borloo a quelque chose d’essentiel à dire, pour la campagne à droite des présidentielles. Donc ça, ça doit faire partie de cette dynamique. Je parlais de coalition des volontés ; c’est véritablement le trajet qui doit être emprunté. Michèle Alliot-Marie, elle a réussi une grande réforme : la professionnalisation des armées. Eh bien, que tout ça soit conjugué, que tout ça soit mis ensemble. Vous savez, si on veut aligner une famille politique, réduit derrière un candidat, sous forme de petits pois ou comme les sardines dans une boîte, vous ne gagnez pas comme ça. Ne l’oublions pas : une élection, ce n’est pas de la simple arithmétique. Aujourd’hui, il n’y a pas de candidat en France qui puisse, sur son nom, l’emporter. C’est dire qu’il va falloir faire un travail énorme pour arriver à avoir 50 % plus une voix - sauf à penser qu’on peut élire un candidat par défaut. Personne ne passe aujourd’hui spontanément cette barre. Sauf de façon arithmétique. Donc ça veut dire qu’il faut additionner des forces, additionner des idées, conjuguer des visions. Moi j’aurai l’occasion, en toute liberté, de faire des propositions pour notre pays - il est bien normal, comme chef du gouvernement, que je fasse part de la vision, des propositions qui sont les miennes. Mais je crois qu’il faut être dans un esprit qui ne soit pas un esprit réducteur. Il faut être généreux, il faut être fraternel. C’est d’abord vrai au sein de notre propre famille, et c’est comme ça que nous gagnerons.


Cette analyse conserve toute son actualité. On observe, au reste, que cette dynamique n’est toujours pas enclenchée, et ne le sera vraisemblablement jamais, autour du candidat de l’UMP, qui ne génère aucune émulation entre lui et le rang serré de ses «soutiens» et autres courtisans. Cette constatation est tout à fait cohérente par rapport à la volonté constante, exprimée par Nicolas Sarkozy, d’apparaître comme un homme providentiel qui ferait à lui seul la synthèse de tous les courants de son parti, et même au-delà. Sa démarche n’est ni généreuse, ni fraternelle : elle répond avant tout à une ambition personnelle dévorante, qui ne s’accompagne, dans son cas, absolument pas des qualités requises pour passer de la dimension de politicien, - ce qu’il a toujours été, au mauvais sens du terme, - à celle d’homme d’État.

Dans cette interview, Dominique de Villepin cultivait sa différence de façon tout à fait intelligente, et critiquait très subtilement ce qui prévalait autour du président de l’UMP. On ne peut que regretter qu’il n’ait pas continué à exprimer clairement ses antagonismes et assumer ses divergences, en préférant se mettre en retrait pour, au final, avec un mélange d'amertume et de résignation, ne pas créer les conditions d’une candidature.

dimanche 4 mars 2007

L'ivresse des sondages

PARIS (Reuters) - La place centrale des sondages dans la campagne en vue de l'élection présidentielle de 2007 relance les débats sur leur pertinence et les propositions visant à mieux encadrer leur publication.

Certains politologues s'interrogent sur le sens même de ce qui est présenté comme une "intention de vote", à un moment où les affiliations politiques sont parfois floues, où le nombre de candidats est d'une quinzaine, et à plusieurs semaines du vote.


Alain Garrigou, professeur de sciences politiques à Nanterre, juge que les sondages sont une "parodie de science".


"L'ivresse des sondages, ce n'est pas seulement l'absurdité de la quête de sa clef par l'ivrogne, c'est aussi l'excès", écrit-il dans un essai publié fin 2006.


Sa thèse est que les instituts de sondage seraient avec les médias et les partis politiques au centre d'un système de production de l'opinion qui s'auto-alimenterait, avec en toile de fond un intérêt économique à "vendre" des résultats.


Davantage que lors des scrutins précédents, les enquêtes d'opinion influent en 2007 sur la campagne, soulignent les politologues. Ils ont notamment, fait nouveau disent-ils, favorisé l'investiture par les militants PS de Ségolène Royal, créditée des meilleures chances de victoire par les instituts.


Ils placent à ce jour Nicolas Sarkozy en position de favori de l'élection. Une trentaine d'enquêtes publiées cette année le voient le plus souvent en tête au premier tour et quasiment toujours vainqueur au second.


Mais certains politologues notent le nombre élevé d'indécis (de l'ordre de 50%) et rappellent qu'Edouard Balladur en 1995, puis Lionel Jospin à un moindre titre en 2002 furent placés dans une position semblable en février avant d'être battus au premier tour.


Changement de règles?


"Ce que recueille les sondeurs, à ce stade, ce n'est pas une intention de vote, ce n'est pas une popularité, c'est une disposition générale", explique Elisabeth Dupoirier, directrice de recherche au Centre de recherche sur la vie politique (Cevipof).


Elle retient l'intérêt "en tendance" des enquêtes et se dit opposée à tout encadrement autoritaire. "La meilleure garantie de la validité des sondages, c'est la concurrence. Les instituts n'ont pas intérêt à mentir mais à être les meilleurs", dit-elle.


Des politologues critiquent les méthodes des sondages et leur présentation dans les médias. Source des études politiques, le sondage en est devenu l'objet, notamment après le 21 avril 2002 qui avait vu Jean-Marie Le Pen prendre à défaut tous les instituts en accédant au second tour de la présidentielle.


Les chercheurs se demandent depuis si les sondages peuvent "faire" une élection, en modifiant les comportements des électeurs. Des enquêtes ont répondu 'oui', comme justement pour le 21 avril 2002, où de nombreux votants avaient choisi des "petits" candidats en considérant comme acquis le second tour Jospin-Chirac annoncé.


"La publication des sondages peut influer les électeurs lors d'élections très disputées", conclut le Cevipof dans un "Atlas électoral" publié récemment.


Certains politologues suggèrent l'amélioration du dispositif imposé par la loi du 19 juillet 1977, qui a instauré quelques obligations légales des médias ainsi que la commission des sondages, instance de régulation sans pouvoir coercitif.


Parmi les premières mesures proposées, figure l'extension des mentions légales obligatoires dans les médias aux taux de non-réponses et aux proportions d'indécis ou d'hésitants.


Le chercheur Bruno Cautrès propose dans les travaux du Cevipof d'indiquer systématiquement les "fourchettes", plus crédibles que des chiffres fixes.