dimanche 4 mars 2007

L'ivresse des sondages

PARIS (Reuters) - La place centrale des sondages dans la campagne en vue de l'élection présidentielle de 2007 relance les débats sur leur pertinence et les propositions visant à mieux encadrer leur publication.

Certains politologues s'interrogent sur le sens même de ce qui est présenté comme une "intention de vote", à un moment où les affiliations politiques sont parfois floues, où le nombre de candidats est d'une quinzaine, et à plusieurs semaines du vote.


Alain Garrigou, professeur de sciences politiques à Nanterre, juge que les sondages sont une "parodie de science".


"L'ivresse des sondages, ce n'est pas seulement l'absurdité de la quête de sa clef par l'ivrogne, c'est aussi l'excès", écrit-il dans un essai publié fin 2006.


Sa thèse est que les instituts de sondage seraient avec les médias et les partis politiques au centre d'un système de production de l'opinion qui s'auto-alimenterait, avec en toile de fond un intérêt économique à "vendre" des résultats.


Davantage que lors des scrutins précédents, les enquêtes d'opinion influent en 2007 sur la campagne, soulignent les politologues. Ils ont notamment, fait nouveau disent-ils, favorisé l'investiture par les militants PS de Ségolène Royal, créditée des meilleures chances de victoire par les instituts.


Ils placent à ce jour Nicolas Sarkozy en position de favori de l'élection. Une trentaine d'enquêtes publiées cette année le voient le plus souvent en tête au premier tour et quasiment toujours vainqueur au second.


Mais certains politologues notent le nombre élevé d'indécis (de l'ordre de 50%) et rappellent qu'Edouard Balladur en 1995, puis Lionel Jospin à un moindre titre en 2002 furent placés dans une position semblable en février avant d'être battus au premier tour.


Changement de règles?


"Ce que recueille les sondeurs, à ce stade, ce n'est pas une intention de vote, ce n'est pas une popularité, c'est une disposition générale", explique Elisabeth Dupoirier, directrice de recherche au Centre de recherche sur la vie politique (Cevipof).


Elle retient l'intérêt "en tendance" des enquêtes et se dit opposée à tout encadrement autoritaire. "La meilleure garantie de la validité des sondages, c'est la concurrence. Les instituts n'ont pas intérêt à mentir mais à être les meilleurs", dit-elle.


Des politologues critiquent les méthodes des sondages et leur présentation dans les médias. Source des études politiques, le sondage en est devenu l'objet, notamment après le 21 avril 2002 qui avait vu Jean-Marie Le Pen prendre à défaut tous les instituts en accédant au second tour de la présidentielle.


Les chercheurs se demandent depuis si les sondages peuvent "faire" une élection, en modifiant les comportements des électeurs. Des enquêtes ont répondu 'oui', comme justement pour le 21 avril 2002, où de nombreux votants avaient choisi des "petits" candidats en considérant comme acquis le second tour Jospin-Chirac annoncé.


"La publication des sondages peut influer les électeurs lors d'élections très disputées", conclut le Cevipof dans un "Atlas électoral" publié récemment.


Certains politologues suggèrent l'amélioration du dispositif imposé par la loi du 19 juillet 1977, qui a instauré quelques obligations légales des médias ainsi que la commission des sondages, instance de régulation sans pouvoir coercitif.


Parmi les premières mesures proposées, figure l'extension des mentions légales obligatoires dans les médias aux taux de non-réponses et aux proportions d'indécis ou d'hésitants.


Le chercheur Bruno Cautrès propose dans les travaux du Cevipof d'indiquer systématiquement les "fourchettes", plus crédibles que des chiffres fixes.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les Français ne se déterminent pas en fonction des sondages, qui ne sont qu'une photographie à l'instant T de l'opinion publique.

Par contre, les sondages révèlent les points forts des personnalités susceptibles d'être élues et celà peut être riche d'enseignements...

Tiens, je vais me lancer moi aussi dans un petit sondage :

Dans 10 jours, lorsque les candidats seront définitivement connus, pour qui voterez-vous ?