samedi 10 mars 2007

La cérémonie des adieux

Demain soir, à 20h, le Président de la République s’exprimera dans le cadre d’une allocution solennelle aux Français.

Dans Le Monde, Robert Solé consacre un billet fort amusant à cet événement, intitulé « Adieu présidentiel » :

« Dimanche soir 11 mars, quelques instants avant son intervention télévisée, Jacques Chirac a comme une illumina
tion. Se surprenant lui-même, il décide d'ignorer son texte, dont chaque mot a été pesé au trébuchet. Il va improviser.
"Mes chers compatriotes, vous savez combien la France... Je connais vos craintes, vos espoirs, vos attentes... Ce soir, je veux vous expliquer pourquoi je sollicite un nouveau mandat, qui sera le dernier..."

Dans le salon de l'Elysée, c'est la stupéfaction. Ministres et collaborateurs du chef de l'Etat se dévisagent d'un air ahuri. Au premier rang, Bernadette esquisse un sourire. Jean-Louis Debré, les yeux embués de larmes, frétille sur sa chaise, déjà prêt à remonter sur le perchoir. Jacqu
es Chirac se sent rajeuni de quinze ans. Il imagine la tête de ses adversaires, l'ébahissement des commentateurs...
La tentation a duré quelques secondes. "Monsieur le président, c'est bientôt à vous." Jacques Chirac se racle légèrement la gorge. Il fixe le prompteur, la France dans les yeux. S'efforce de sourire, en pensant à Claude. La lampe verte s'allume. "Mes chers compatriotes..." »

Plus sérieusement, il est certain que tous les éléments sont réunis pour que Jacques Chirac fasse ses adieux à la France en refusant de se présenter à nouveau à l’élection présidentielle. Au vu de son âge, de la longévité de sa carrière politique (sa première élection en tant que député de la Corrèze date du 12 mars 1967, soit presque quarante ans, jour pour jour, avant cette allocution) et de la configuration politique actuelle, ce choix serait indéniablement le bon.

Cependant, si cette sortie devrait être réussie de son point de vue, elle n’éclaircirait pas la perspective de la prochaine échéance. En refusant de soutenir l’idée d’une candidature de son Premier ministre et de tout faire pour qu’elle puisse être porteuse d’un véritable élan pour la France, Jacques Chirac assure indirectement la légitimité de Nicolas Sarkozy en tant que candidat du courant qui l’a porté depuis ses débuts, ce qui est une grave erreur.
Après avoir fait l’erreur d’accepter, en 2002, que M. Sarkozy s’empare d’un des postes clés du gouvernement, et après avoir renouvelé cette erreur en juin 2005 (alors qu’il était, selon lui, au moment du 14 juillet 2004,
inconcevable qu’un chef de parti puisse être ministre à part entière), il laisserait ainsi le champ libre, pour 2007, a un ministre qui n’a jamais respecté son autorité, a contesté la plupart de ses choix (en matière de politique internationale, de conception du rôle joué par le chef de l’État…) et s’est souvent montré d’une insolence inadmissible de la part d’un ministre. Dans le dernier cas, je prendrais exemple, - il ne manquent pas, - sur la comparaison, en public, le 14 juillet 2005, lors d’une conférence de presse place Beauvau, de Jacques Chirac à Louis XVI occupé par sa passion de la serrurerie alors que le peuple gronde. Jacques Chirac avait alors glissé, en privé, que l’important, pour Sarkozy, serait de ne pas finir comme Louis XVII.

En ne permettant pas qu’un candidat gaulliste se présente à l’élection présidentielle, fait inédit depuis 1965 (à noter d’ailleurs qu’il y en avait trois en 1981 : Jacques Chirac, Michel Debré et Marie-France Garaud), le Président de la République ne fait pas le bon choix pour la France, pour son identité, ses valeurs, son dynamisme économique et social, son rayonnement international, et s’assure une campagne passive dont l’issue remettra assurément, quelle que puisse être sa note finale, en cause le fonctionnement et l’équilibre de la Ve République.

Les Français auraient, pourtant, - la faiblesse des candidats actuellement en présence ne l'excluant pas, bien au contraire, - pu faire de Dominique de Villepin le successeur de Jacques Chirac; la gaullisme aurait alors, une fois encore, donné rendez-vous à la France et proposé une solution à la fois juste, généreuse et enthousiaste à l'impasse.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai écouté avec la plus grande attention J. Chirac.
Il a énuméré les acquis de la France, les éléments essentiels qui font que la France est la France et pas un autre pays, les réalisations de ces dernières années...

Il a énuméré quels étaient les enjeux que nous devions affronter. Il a commencé par évoquer la laïcité et a parlé de cohésion et d'union.

Il a comme d'habitude relevé le danger du libéralisme et la nécessité de veiller à moderniser le modèle social français pour le sauvegarder.
Il a mis en garde contre le flirt avec les extrémismes.

Il a parlé de la voix de la France sur la scène internationale et de son importance stratégique pour éviter les conflits de civilisations et donc maintenir la paix dans le monde.

Il a parlé de l'embellie des chiffres de l'emploi et décrété que le chômage n'était pas une fatalité.
Il a loué l'égalité des chances (projet phare de Dominique de Villepin et de personne d'autre) qu'il oppose dans son esprit à la discrimination positive prônée par Sarkozy.

J. Chirac a en réalité fait le portrait robot de Dominique de Villepin qui porte en lui et dans son combat politique, tous les points précédemment cités.

Comment oublier? Comment pardonner? Nous étions en famille pour l'écouter et tout le monde s'est écrié: c'est sûr c'est le cadeau qu'il va faire à la France et à DDV: il lui a récolté les 500 signatures.

Nous ne pouvons pas comprendre ni admettre que l'on nous tienne un tel discours et qu'on nous dise aimer la France et avoir travaillé pour elle, et la laisser courir le risque de tomber aux mains de non Républicains. Comment accepter qu'il ait barré la route à son héritier spirituel naturel?

Que lui a donc fait DDV pour qu'il le déteste au point de le sacrifier et de mettre ainsi en danger la France? Il faudra qu'on sache ce qui s'est réellement passé. La plaie ne se refermera pas avant que l'on sache ce qui se cache derrière ces comportements et ces incohérences flagrantes et totales!

Car ce n'est pour moi pas simplement de l'histoire du grand homme d'Etat qu'est DDV dont il s'agit, c'est d'une page de notre Histoire dont il s'agit en vérité.

Les hommes politiques ne m'intéressent que par ce qu'ils peuvent donner à la France. C'est comme cela. Les Français ont peut-être trop perdu l'habitude d'aimer la France pour ce qu'elle est et représente. Ceux qui ont vécu d'autres expériences savent à quel point la France mérite d'être défendue et que l'on ne joue pas à la mettre en danger!

Anonyme a dit…

Chirac ne laisse pas tomber de Villepin, au contraire, il va continuer à s'en servir, jusqu'à son dernier souffle, pour lui concocter une nouvelle fonction internationale inédite, un "machin", dont il sera Président et de Villepin Secrétaire Général...

Car il ne faudrait pas que les Juges, toujours aux aguets, s'avisent de ternir ses dernières belles années, en convoquant devant eux l'ex-Président, pour un oui ou pour un non, afin d'éclairer les zones d'ombre de ses nombreuses turpitudes financières...

De Villepin restera donc jusqu'au bout le Sancho Pansa de Chirac, mais, compte tenu de sa différence d'âge, il peut être promu à un autre avenir, une fois le mentor disparu (en grandes pompes, comme il se doit) !

Que restera t'il de ces 12 années inutiles d'un Président ambitieux et autoritaire ?

Pas grand chose sans doute !